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Prendre soin de soi, c’est vraiment si simple que cela ?

Quand on parle de soin de soi et de son corps, on brandit la plupart du temps un ensemble de règles un peu robotiques, un peu mathématiques, qu’on peut choisir ou non de suivre. »Marchez au moins 10 000 pas par jour, mangez 5 fruits et légumes, ne vous couchez pas après 22h, faites 30 minutes d’activité physique par jour. » Et ça, ce ne sont que les messages type prévention gouvernementale.


Cela a l’air tellement simple, il « suffit » d’appliquer.


Je vois souvent passer des posts de personnes qui démontrent par A + B que même quand on est pauvre et bouffé de problèmes, on « peut » toujours prendre soin de soi : il « suffit » de prendre son temps au supermarché, il « suffit » d’acheter des fruits et légumes de saison, il « suffit » de prendre le temps de cuisiner, il « suffit » d’avoir juste une paire de baskets pour aller courir – bah oui, courir c’est gratuit, ça coûte pas de sous, nan ?


Résultat ? Encore et toujours de la culpabilisation : « c’est vrai que ça semble tellement simple, il suffirait juste que je prenne du temps pour faire ça. Donc si je n’y arrive pas, c’est probablement parce que je n’ai aucune volonté. »


Par exemple, un nutritionniste s’est lancé il y a quelques semaines sur Instagram dans une série de posts dans lesquels il démontre que si on veut, on peut vraiment prendre soin de soi et de son alimentation (qu’on soit bien d’accord, c’est une démarche bienveillante de sa part, pas donneuse de leçons).Il a eu l’honnêteté de préciser: « Personnellement, j’ai la chance de très bien gagner ma vie », ajoutant : « je sais aussi que si je n’avais pas d’argent, je trouverais toujours les moyens de prendre soin de ma santé. »

Il explique ensuite en quoi, brandir l’argument financier pour justifier qu’on n’arrive pas à prendre soin de soi et de sa santé, c’est se trouver des excuses.

Alors mathématiquement, oui, je suis tout à fait d’accord : c’est sûr qu’un abonnement à la salle de sport, si on supprime Netflix et toutes les dépenses alimentaires inutiles, on peut toujours trouver l’argent pour se le payer.

L’équation se tient.

C’est sûr qu’on peut aussi manger pour très peu cher, si on achète des boites de conserve, qu’on fait les fins de marchés, ou que sais-je encore.

Il est sûr aussi que si les boulimiques ne faisaient pas de crises de boulimie, ils s’économiseraient un tas d’argent.

Bah ouais, fallait y penser. Si vous savez pas, il suffit de demander, ma p’tite dame.


Mais je trouve qu’il y a une donnée vitale dont on ne parle absolument pas : l’espace mental et émotionnel nécessaire pour prendre soin de soi.


Ce n’est pas juste une question de temps.

Ni une question d’argent.


Ce n’est pas parce qu’on a le temps qu’on a la possibilité physique et mentale de faire quelque chose.

Ce n’est pas parce qu’il y a des alternatives pas chères, des solutions, qu’on a l’énergie d’investiguer, de chercher, de mettre en action.


La mise en action est, selon moi ,avant tout une question de disponibilité émotionnelle et énergétique.


Je crois que, quand on est serein, en paix, qu’on n’est pas rongé par des problèmes pratiques du quotidien, qu’on ne se demande pas tous les jours comment on va finir le mois, qu’on est dans un environnement qui nous convient (et pas qui pompe toute notre énergie vitale), alors prendre soin de soi est quelque chose d’intuitif, de naturel, qu’on fait avec plaisir.


Un corps qui évolue dans un contexte de paix va naturellement tendre à nous demander de l’exercice, des aliments sains, nous transmettre des signaux de satiété, occuper le poids dans lequel il se sent bien (qui n’est pas forcément notre poids fantasmé….).


Quand à l’inverse, on se sent, pour une raison ou une autre, écrasé par des questions quotidiennes ou des angoisses existentielles, on n’a pas forcément la force, la possibilité, ni même l’envie de prendre soin de son corps.


Et je crois que ce n’est pas une question de choix. En tout cas, cela ne l’est plus au-delà d’un certain stade.

Je suis frappée de voir à quel point la vision duale corps/esprit est partout : « ça ne va pas dans la tête, mais vous pouvez toujours faire l’effort de prendre soin de vous » ; « ça ne va pas dans la tête mais c’est pas une raison pour se laisser aller » ; « ça va pas dans la tête, mais c’est pas en négligeant votre corps que ça ira mieux ».


Oui, d’accord, mais le corps et l’esprit sont tout de même intimement imbriqués et c’est de la folie de vouloir faire dompter l’un par l’autre, de penser que le mental a toute-puissance sur le corps (et que le corps va encaisser gentiment sans rien faire).


Je crois que prendre soin de soi, de sa santé, de son corps, c’est un cadeau qu’on peut se faire quand le reste va plutôt bien et qu’on est dans une certaine forme d’équilibre de tout notre écosystème.


Alors, oui, certaines personnes tiennent bon et parviennent à garder une forme d’équilibre, même dans l’adversité.


Tant mieux pour elles. Mais non, prendre soin de soi, n’est pas si évident. Il ne « suffit » pas d’appliquer des règles. Et c’est normal que, quand tout part en vrille, le soin de soi ne soit plus une priorité du moment.


Ce n’est pas juste une question de choix.

Ce n’est pas juste une question d’organisation (parenthèse : un des arguments que je préfère le plus, je crois, c’est celui qui consiste à dire : « quand vous faites le ménage, vous faites de l’exercice, donc zéro excuse. »

Mais c’est vraiment formidable, ça veut dire que je peux réaliser plusieurs injonctions sociales simultanément! Comme la vie est bien faite).


Je soupçonne les personnes qui prodiguent des solutions à base de « on peut toujours faire des efforts, en voici la preuve mathématique », de ne pas savoir ce que vivent celles auxquelles elles proposent leurs petits astuces.


Alors, attention : tant qu’on est juste dans la proposition d’aide et de solutions, ça ne me pose aucun problème. Lorsqu’en revanche, on entre dans la leçon de morale et dans le culte de la volonté (quand on veut on peut), là ça m’en pose beaucoup, parce que c’est une vision très limitée de la réalité.

Oui, en théorie on peut appliquer appliquer plein de choses.

Si on était des robots, il suffirait de ne pas faire de crises de boulimie, il suffirait de prendre le temps de faire ses courses de manière responsable, il suffirait de cuisiner, il suffirait de s’organiser, il suffirait de bloquer des créneaux « sport » dans son agenda, il suffirait de batch cooker (ça se dit ça ? C’est quand on profite de son jour off pour cuisiner pour toute la semaine), etc.


Oui, il y a des gens qui font tout cela. Et je suis sûre qu’ils sont heureux d’y parvenir. Oui, c’est bien de prendre soin de soi.


Mais c’est légèrement plus complexe à mettre en oeuvre qu’on ne veut bien nous le dire.


Je crois que le soin de soi, c’est une forme de luxe qu’on ne peut concrétiser en toute sérénité que lorsqu’on a l’esprit un minimum disponible et tranquille ou lorsqu’on a atteint un degré de détachement suffisamment important vis-à-vis des problèmes matériels et existentiels (et encore, il est des problèmes qui forceraient le barrage de n’importe quel moine bouddhiste senior).

Ce message n’est pas un appel à ne rien faire : c’est une invitation à faire, encore et toujours, de votre mieux.


C’est ok de ne pas réussir à (ou de ne pas avoir envie de) prendre soin de vous quand votre rythme est bouleversé parce que les enfants ne vont pas à l’école.

C’est ok de ne pas réussir à (ou de ne pas avoir envie de) prendre soin de vous quand vous vous retrouvez dans une situation financière critique et qu’aucun exercice de détachement mental ne vous permet de penser à autre chose.

C’est ok aussi quand vous vous êtes pris la tête avec votre partenaire ou que tante Bidule vous a encore demandé quand est-ce que vous comptiez trouver un vrai travail/fonder une famille/réussir votre vie.


Faites juste de votre mieux, faites comme c’est juste pour vous : si faire de l’exercice, cuisiner, manger sainement, vous apporte du réconfort dans les périodes difficiles, alors faites-vous plaisir. Si ce n’est pas votre priorité, alors faites aussi comme vous pouvez.


Une seule interdiction : s’en vouloir.

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